La scène humoristique française perd une de ses voix les plus singulières. Bun Hay Mean, humoriste et acteur au style corrosif, est mort ce jeudi à l’âge de 43 ans à Paris, après une chute du huitième étage de son immeuble situé dans le XVIIe arrondissement. Une disparition soudaine qui laisse derrière elle un vide profond dans le paysage culturel français.
L’ascension fulgurante d’un franc-tireur
Né près de Bordeaux d’un père chinois et d’une mère cambodgienne, Bun Hay Mean n’a jamais renié ses origines, bien au contraire. Il en avait fait la matière première d’un humour frontal, parfois dérangeant, toujours incisif. Connu du public sous le pseudonyme de Chinois marrant, il cassait les stéréotypes avec une verve mordante et un débit ultra rapide.
Avant d’embrasser la scène, il obtient un diplôme en informatique, qu’il abandonne rapidement pour se consacrer au stand-up. Il vit alors des débuts difficiles à Paris, allant jusqu’à dormir dans la rue malgré ses premières performances devant des centaines de spectateurs. « Je faisais marrer 2000 ou 3000 personnes et une heure plus tard, j’étais à l’arrêt du tram à dormir seul. Un ascenseur émotionnel », confiait-il au Parisien, lucide, sur cette période marquée par la précarité et la solitude.
Repéré au milieu des années 2010, notamment par Alais Degois, alias “Papy”, metteur en scène proche du Jamel Comedy Club, Bun Hay Mean intègre la prestigieuse troupe en 2014. Son humour noir, son aisance à improviser, et son absence totale de filtre séduisent immédiatement.
En 2016, il fait sensation avec ses premiers spectacles solo dans lesquels il raille les clichés racistes et les travers de la société française. Il aimait provoquer autant que faire réfléchir. « Je suis fier d’être Français et de gueuler sa mère », lançait-il avec ironie sur le plateau de Thierry Ardysson en 2018.
En parallèle de ses succès sur scène, Bun Hay Mean s’illustre dans quelques rôles au cinéma. On le retrouve dans Problemos d’Éric Judor (2017), puis dans le blockbuster Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu de Manu Payet (2023). Sa dernière apparition sur grand écran date de 2024 dans Les Chèvres !, aux côtés de Dany Boon et Jérôme Commandeur.

Les hommages n’ont pas tardé à affluer. Guillaume Canet s’est dit profondément attristé : « J’ai beaucoup aimé notre rencontre et qui tu étais. Quelle tristesse. » Éric Judor a, lui, sobrement écrit : « Bisous mon vieux. »
Une disparition tragique
Mais derrière le rire, l’homme luttait. Ces dernières années, Bun Hay Mean avait évoqué publiquement ses troubles mentaux. Interné brièvement en hôpital psychiatrique, il avait été diagnostiqué bipolaire. Une période sombre qu’il avait traversée alors même qu’il continuait à monter sur scène : « J’allais très mal, j’étais seul, et je devais garder la face », avait-il confié à Konbini en 2023.
Plus récemment, il avait été hospitalisé à La Réunion, en pleine tournée, alors qu’il préparait son troisième spectacle. Mais toute attente, Bun Hay Mean était revenu avec énergie au début de l’année 2024 avec un nouveau one-man-show intitulé Kill Bun. Il sillonnait les routes de France et devait se produire ce vendredi soir à Montréal, une date désormais marquée du sceau de l’absence.

Les circonstances du drame laissent place à l’émotion et à l’incompréhension. Selon les premiers éléments de l’enquête ouverte par le parquet de Paris, l’accident serait survenu alors que l’artiste tentait de récupérer son téléphone tombé dans la gouttière de son balcon. Le téléphone a été retrouvé à cet endroit, ainsi qu’un cendrier à proximité, ce qui corrobore la thèse de l’accident. Aucune lettre d’adieu n’a été découverte sur place.
Son producteur, Philippe Delmas, a confirmé l’information dans un communiqué empreint de chagrin : « C’est avec une infinie tristesse que nous devons vous annoncer la disparition tragique de notre ami, notre immense artiste, Bun Hay Mean. »
L’humour de Bun Hay Mean restera comme une empreinte vive dans un paysage souvent frileux. Il incarnait cette capacité rare à faire rire en ébranlant les certitudes, à provoquer sans cynisme, à déranger pour mieux éveiller. Sa voix s’est tue, mais ses mots, eux, continueront longtemps de résonner.