L’industrie du doublage, au Japon comme en France, est actuellement en proie à de profondes inquiétudes. La montée en puissance de l’intelligence artificielle (IA), et notamment des IA génératives de voix, suscite la crainte d’une potentielle disparition des comédiens de doublage humains. Ces technologies, capables de reproduire à la perfection les voix humaines à partir de simples échantillons, sont perçues par de nombreux professionnels comme une menace directe pour leur métier.
Les seiyū, véritables trésors du Japon
Récemment, plusieurs comédiens de doublage japonais ont pris la parole dans une vidéo, publiée par le compte X/Twitter @NOMORE__MUDAN, pour dénoncer les dangers de ces innovations technologiques. Leurs inquiétudes se concentrent sur les IA génératives de voix, une technologie capable de recréer des voix presque indiscernables des originales. Une prouesse qui, bien que fascinante, fait craindre aux acteurs vocaux pour leur avenir.
En effet, le doublage au Japon est une industrie colossale, et les comédiens vocaux, ou seiyū, y sont de véritables célébrités. Leurs voix sont omniprésentes dans l’animation, les jeux vidéo, les films étrangers, et bien d’autres domaines. L’impact potentiel de l’IA dans ce secteur est donc immense. Pour illustrer l’ampleur de la popularité des seiyū, on peut citer Nana Mizuki, célèbre pour avoir doublé Hinata dans Naruto, qui a réussi à remplir le Tokyo Dome, une arène de plus de 55 000 places, lors d’un concert.
La France n’est pas en reste
Mais ces préoccupations ne se limitent pas au Japon. En France, la situation est similaire. En janvier dernier, les comédiens de doublage français ont lancé une pétition intitulée “Touche pas à ma VF“, pour sensibiliser sur les risques que représente l’IA pour leur métier. Avec plus de 154 000 signatures, leur appel à l’aide reste cependant sans réponse de la part du ministère de la Culture.
Brigitte Lecordier, une figure emblématique du doublage français, connue pour être la voix de Son Goku et Oui-Oui, a réagi à ce mouvement de contestation japonais. Elle a rappelé l’importance de protéger ces métiers : “On peut être solidaire au niveau international et ça c’est important pour nous. […] J’ai pu rencontrer les comédiens belges qui ont très envie de travailler avec nous dans cette lutte contre l’IA pour les comédiens“. Le doublage, tant au Japon qu’en France, représente un savoir-faire unique, une véritable forme d’art, qui ne doit pas être remplacée par des outils technologiques, mais au contraire, valorisée et protégée.
Ce débat s’inscrit dans un contexte global où l’IA est en plein essor et occupe une place centrale dans les stratégies géopolitiques des grandes puissances. Alors que les gouvernements hésitent à légiférer sur cette technologie de peur de freiner l’innovation, les professionnels du doublage, eux, appellent à une reconnaissance de la valeur de leur travail. Leur souhait est que l’IA reste un outil au service des artistes, et non un substitut.
Ainsi, des deux côtés du globe, la bataille continue. Les comédiens de doublage demandent à être entendus avant qu’il ne soit trop tard et que leur voix, dans tous les sens du terme, ne s’éteigne dans le brouhaha de la révolution technologique.